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Andrée A. Michaud, Bondrée

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Ce livre pourrait être qualifié de roman policier. Deux filles meurent et la police locale tente de résoudre l’épais mystère qui entoure ces événements. Mais ce livre est tellement plus que ça…

C’est l’histoire d’un été qui n’est pas ce qu’il aurait dû être. C’est l’histoire d’un groupe de vacanciers dont les relations vont changer et s’intensifier d’une manière dont ils ne l’auraient jamais imaginée. C’est l’histoire d’enfants qui sont exposés bien trop tôt à la laideur du monde. C’est l’histoire de familles anéanties par la peine. Et c’est l’histoire de policiers déchirés par la douleur qui les hantent longtemps après que les dossiers soient partis aux archives. Personne ne reste indifférent et personne n’est épargné.

Bondrée, c’est n’importe quelle colonie de chalets d’été sur le bord d’un lac. Des Bondrées, on en a tous connu. Les reflets sur le lac, les odeurs de conifères au soleil, le chant des cigales, les rames des chaloupes qui grincent, les enfants qui crient, les portes qui claquent, les mères qui lancent des injonctions de toutes sortes à des marmailles désordonnées. Mais en général, nos lacs de vacances ne connaissent pas de drames et on y revient l’année suivante sans arrière-pensées.

Le rituel était toujours le même et il avait le goût d’une liberté n’appartenant qu’à l’insouciance. Pendant que mes parents déchargeaient la voiture, je descendais près du lac m’enivrer des odeurs de Bondrée, mélange de senteurs d’eau, de poisson, de conifères chauffés et de sable mouillé se combinant à celles légèrement moisies qui imprégnaient le chalet jusqu’en septembre malgré les fenêtres ouvertes, malgré l’arômes des steaks et des poudings aux fruits, l’âcre parfum des fleurs sauvages ramassées par ma mère. Ces odeurs qui couraient de juin jusqu’aux nuits fraîches n’ont d’égal que l’humidité de l’atmosphère constituant ma mémoire de l’enfance, saturée de vert et de bleu, de gris couvert d’écume. Elles contiennent au creux de leur spectre ensoleillé la moiteur des étés où j’ai grandi.

Bondrée, c’est la version francisée du mot anglais “boundary”, frontière, limite, périmètre. Arriver à Bondrée est franchir une limite, une frontière entre en la vie quotidienne à la ville, pour l’aventure et la liberté des chaudes journées estivales. Bondrée est une contrée hors de la réalité, où les estivants se rejoignent pour laisser couler le temps, ou les enfants laissaient aller leur créativité dans leurs jeux et faisaient le plein d’imaginaire.

Une limite qui semble s’amenuiser à Bondré est la différence linguistique. Les relations entre les Québécois francophones et les Américains anglophones (même si certains américains ont des noms d’origine française) semblent oscillées entre l’harmonie et l’indifférence, mais sans ondes de conflit. Si cette différence semble affecter un peu les adultes (qui auront besoin d’interprètes lorsque la communication entre eux deviendra nécessaire) mais beaucoup moins les enfants qui vont interagir plus spontanément en dépit de la différence de langue. Et les enfants semblent parfois en savoir plus sur leur communauté que les adultes.

Quoiqu’il en soit, la disparition d’une première adolescente sème l’émoi dans la petite communauté. Des lambeaux de pensées désordonnées et troublées semblent émaner de la tête du tueur. On se demande s’il fait partie de la communauté ou s’il émerge des bois qui l’entourent. Le suspense dure longtemps. Le coupable n’est pas celui qu’on pense. La motivation est surprenante.

 

Référence:

Michaud, Andrée A. Bondrée, Éditions Québec Amérique, Montréal, 2015.

Autres choses:

Boundary: The Last Summer by Andrée A. Michaud

https://www.leslibraires.ca/livres/bondree-andree-a-michaud-9782764429884.html

 

La chorale du diable, Martin Michaud

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Ouf, c’est à en couper le souffle! L’intrigue est complexe, les personnages complexes et intéressants et j’ai lu presque d’une traite. Évasion garantie! J’avais entendu le nom de cet auteur québécois, sans vraiment m’y attardé, jusqu’à ce qu’un vieux copain du secondaire me le recommande. J’ai finalement trouvé le temps de lire ce livre et une fois commencé, presqu’impossible de le déposer. Certains éléments clés (que je ne dévoilerai pas!) sont plutôt invraisemblables, mais il ça vaut infiniment mieux qu’un roman convenu où voit tout venir à l’avance.

 

Le personnage principal, un détective nommé Victor Lessard, type torturé dans la quarantaine, a une enfance difficile. Seul survivant d’une série de meurtres suivis du suicide de son père, il s’est retrouvé sans famille. L’esprit de son jeune frère Raymond le suit partout et il dialogue constamment avec lui. Cet esprit est plutôt bienveillant et sa présence rassure Victor. Elle contribue même à lui sauver la vie. Les autres relations de Victor sont empreintes de contradictions, surtout pour ses relations avec les femmes. Il craint l’intimité et il craint de révéler aux autres les difficultés qui ont marquées sa vie.

 

Martin Michaud a jusqu’à maintenant publié trois romans mettant en scène Victor Lessard, un qui a précédé La chorale du diable, et un autre plus récent. Vous pouvez être certain que ça ne sera pas très long avant que je les lise.

 

Références

 

Michaud, Martin, La chorale du diable, Les éditions Goélette, 2011.

www.michaudmartin.com

 

La jambe gauche de Joe Strummer, de Caryl Férey

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Quoi dire sur ce livre? Je l’ai lu parce que quand je commence un polar, je le lis jusqu’au bout parce que je suis curieuse d’en connaître le dénouement. Mais j’ai eu peu de plaisir à lire celui-ci. Pas un seul personnage sympathique, un univers glauque, un dénouement sans grand espoir…  J’avais vu le nom de cet auteur dans un numéro du magazine Lire. Celui-ci était disponible en version numérique. Je ne pas certaine que je lirais d’autres livres du même auteur. Peut-être un autre pour donner la chance au coureur… L’intrigue est plutôt bien construite et l’écriture d’une bonne qualité.

Voici de quoi il retourne :

Le personnage principal est un policier du nom de McCash, qui œuvre dans le nord-est de la France mais est originaire d’Irlande d’où il a été expulsé à cause de son implication avec l’IRA. Il est borgne, porte un œil de vitre qu’il n’entretient pas (ce qui lui cause bien évidemment des problèmes) et est un type plutôt hargneux qui plaît quand même aux femmes.

L’histoire de ce volume tient à ce qu’une de ses aventures n’a pas été sans conséquences : une ancienne flamme lui écrit qu’elle se meurt d’un cancer, qu’il a une fille, et elle lui demande de s’en occuper. Comme la lettre est vieille de trois mois, la fille en question a déjà été placée en foyer d’accueil. McCash quitte son emploi immédiatement et emménage dans la région où habite sa fille afin d’investiguer la situation et de faire sa connaissance sans prendre le risque de s’identifier et de s’engager.

Un soir, en prenant une marche, il tombe sur le cadavre d’une fillette noyée en bordure de la rivière. S’en suivent une série de péripéties plutôt tordues : mise au jour de machinations de développeurs immobiliers à Marrakech, histoire de concurrences déloyales de cabinets d’architectes en province, découverte des activités d’un club échangiste où est impliquée la travailleuse sociale qui s’occupe du dossier de la fille de McCash, et machinations de la femme d’un vieil architecte ruiné pour sauver les affaires de son mari. Plusieurs morts s’en suivent, au moins 7 à part la petite noyée… dont au moins 3 sont tués par McCash.

Quand tout est résolu à la fin, il devient clair qui sont les bons et les mauvais, mais les bons ne sont pas sans taches… à part la fille de McCash dont la résilience est admirable et qui aura sûrement encore besoin de cette qualité dans le futur.

Que vient faire Joe Strummer dans tout ça? Et surtout sa jambe gauche…

Joe Strummer, du groupe The Clash (dont je suis en train d’écouter la chanson « London’s Burning »), est une référence marquante dans ce livre. Le jeune McCash a été influencé par la musique de ce groupe.

Férey parle de « Strummer massacrant les planches, sa jambe gauche battant furieusement le sol comme pour en réveiller la terre et les hommes qui étaient dessus… ». The Clash représente l’esprit de ces temps turbulents.

 Et voilà! Il faut bien être en vacances pour en écrire autant sur un livre qu’on a pas aimé et qui se lit en 2.6 heures.

Référence :

Férey, Caryl. La jambe gauche de Joe Strummer. Collection Folio Policier. Gallimard : 2007. (2011 pour l’édition numérique)