Tag Archives: Poésie

Jacques Boulerice, L’invention des fêtes

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En ce 15 juillet 2016, il est presque difficile de parler de bonheur et même d’avoir ne serait-ce qu’une once d’insouciance… Mais il existe encore des librairies pleines d’histoires pour nous emporter ailleurs et de poésie qui ré-enchante le monde. Alors même avec le coeur lourd, je vais vous parler d’un livre magnifique qui me fait penser malgré tout que le bonheur est un état d’esprit qui vient de l’intérieur et qu’il ne résulte pas d’une conjonction d’éléments extérieurs qui s’alignent miraculeusement d’eux-même. Que lorsque le poids de la douleur s’allègera un peu, que le choc des évènements commencera à se dissiper, nous pourrons recommencer à saisir le merveilleux qui nous entoure.

Lorsque j’ai acquis ma copie de L’invention des fêtes au Salon du livre de Montréal 2015, M. Boulerice l’a dédicacé de la façon suivante: “Pour que chaque jour ressemble au bonheur.” D’abord, la barre n’est pas trop haute puisqu’on parle de ressemblance et non de bonheur pur; au moins, il y a déjà ça. Mais pour que tous les jours ressemblent au bonheur, il faut bien une approche, une  prédisposition, une aptitude au bonheur—mais je ne parle pas de recette infaillible parce que je crois que chacun doit trouver sa voie.

L’invention des fêtes raconte l’histoire de deux êtres hors du commun, Félibre (autrefois nommé Felipé) et sa Fée, qui parcourent les méandres de la vie avec une attitude bien particulière. En voici un exemple:

Dans la ville nordique où vivaient Félibre et la Fée, l’hiver, les bornes-fontaines tenaient toutes un oeil au-dessus de leur tête, une sorte de judas dans une porte invisible. Pratiquement, cet appendice tendu comme une sucette au bout d’une tige avait pour fonction d’indiquer l’emplacement de chaque borne-fontaine aux chenillettes de déneigement et aux pompiers qui, en cas d’urgence, pourraient perdre un temps précieux à les chercher sous la neige. Ce n’était pas la principale fonction de l’objet. En réalité, ces cercles tenus dans l’air constituaient plutôt l’ultime attraction du dernier dresseur de bornes-fontaines. À l’apogée de son art, cet homme arrivait à leur faire exécuter un numéro ignoré des passants qui auraient pu profiter du prodige pour littéralement transfigurer leur vie. Après le passage du dresseur, chaque borne semblait toujours rappeler son existence grâce à ce petit cercle rouge au bout d’un bras de fer. C’était un leurre. En réalité, ce cercle pratiquait une véritable ouverture dans le bleu de l’air. On pouvait y passer la main, l’épaule, et, avec un peu de souplesse, tout le corps avec le coeur au centre.  C’est ce passage ou de semblables, selon l’usure des saisons, que les amoureux empruntaient depuis des lustres pour se retrouver en secret dans l’invention des fêtes.

Dans le mystère du lien entre l’auteur et son oeuvre, on peut se demander s’il s’agit d’une fable base sur la vie de l’auteur, le mettant en scène ainsi que sa propre Fée…  Il nous livrerait un testament sur le secret du bonheur, écrit en code, ou une biographie féérique, ou une autofiction merveilleuse. Il ne manque qu’une visite au Jardin des Merveilles (celui du Parc Lafontaine, dans le temps) une journée où les animaux décident de converser avec les visiteurs.

Ce petit livre se déguste petit à petit, court chapitre par court chapitre, afin de suivre Félibre et sa Fée dans le périple et d’en voir les parallèles dans le monde qui nous entoure, les traits de lumière du merveilleux à travers l’opacité souvent grise du réel.

 

Référence:

Boulerice, Jacques. L’invention des fêtes. Collection “Ostinato”. Éditions Le lézard amoureux, Montréal, 2015.

Autres choses:¸

http://www.ledevoir.com/culture/livres/449239/l-invention-des-fetes-jacques-boulerice

https://yvonpare.blogspot.ca/2016/04/la-vie-est-une-fete-pour-jacques.html

Hélène Dorion, Le temps du paysage

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Ce livre d’Hélène Dorion est assez différent dans sa forme des recueils de poésie de cette auteure que j’ai lus, mais le thème et l’intention sont cohérents avec le reste de l’oeuvre. L’auteure y exprime, en mots et en images, les images qui l’envahissent à la mort de son père, et les réflexions sur la vie, la mort, la nature de l’âme, et la relation avec son père, que cet évènement suscite.

Ce livre se lit tout doucement, lentement, en savourant le texte et en le conjugant à la photo qui l’accompagne sur la page opposée. C’est un livre qui nous emmène ailleurs, dans la réflexion, dans de nouvelles impressions, sans besoin d’analyse, sans chronologie. On peut d’ailleurs l’ouvrir à n’importe quelle page, et y retourner encore et encore. On peut choisir de ne regarder que les photos.

Une petite joie à chaque fois qu’ou l’ouvre.

Et pourtant certains thèmes sont plutôt sombres. La sérénité qu’exprime Hélène Dorion en neutralise toutefois tout le potentiel négatif.

J’ai été voir l’exposition en lien à ce volume qui était présentée à Val David au moi de mai. Un vrai bijou! Les murs peints en noir étaient l’écrin parfait pour les photos extraites du livre. Des enregistrements audio des extraits du livre (la voix d’Hélène Dorion!) étaient diffusés dans deux coins de la salle. De l’endroit où j’étais assise je les entendais en écho (ou plutôt en canon) et l’effet était ensorcelant.

Cette exposition est maintenant à la Maison de la littérature à Québec, jusqu’au 15 septembre. Suivez le lien et ne manquez pas de regarder le vidéo au bas de la page.

 

Référence:

Dorion, Hélène. Le temps du paysage. Éditions Druide, Montréal, 2016.

Pierre Nepveu, La dureté des matières et de l’eau

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Ce recueil de poésie est divisé en quatre sections: Méditations au bord du fleuve, Petits voyages d’hiver, Stations Lachine, et Dénouements. Il est composé surtout de poèmes en prose de moins d’une page. Chacun raconte une courte histoire, un moment, une sensation. On trouve aussi quelques photos d’oeuvres d’art en plein air prises dans les parcs de l’ouest de l’île de Montréal, des oeuvres qui ont inspiré l’auteur.

Dans la “ville froide” où habite le poète, “les poèmes arrivent à bride abattue, les phrases sont des galops de folie, une écume d’étreinte.

Le froid et son influence remplissent cette oeuvre, jusqu’à la brûlure, ainsi qu’une agitation qui va de l’étourdissement au grand vent. On y trouve aussi l’hiver en analogie de la vieillesse, où l’amour sert de refuge à la froidure. Froidure, dureté des matières et de l’eau gelée, auxquelles il est difficile d’échapper et qui nous fait douter que la vie puisse renaître au printemps.

Suis-je présent pourtant ou moi-même fantôme, me cognant le front contre les vitres pour m’assurer que j’existe, et lançant à tous vents des rafales de phrases, avec le plaisir de les voir retomber, parfois, dans le jardin du sens où elles calment mon délire.

Mais le froid, la solitude et l’aliénation ne prennent pas toute la place dans ce recueil.

L’angoisse elle-même n’a plus de son, la détresse a perdu la voix. Et dans cette étrange accalmie, la parole semble toute jeune, encore malhabile en son alphabet, cassée dans ses lettres et ses chevilles, avec soudain des immensités inhabitées, où ne se sont pas risqués les verbes, où marcher, avancer et courir pâlissent à l’approche de la vie.

L’auteur Pierre Nepveu est un homme chaleureux avec un air de jeunesse malgré qu’il soit un professeur à la retraite de 69 ans. Lorsqu’il m’a dédicacé une copie de ce recueil au Salon du livre de Montréal, nous nous sommes remémoré en rigolant un souper-poésie du Festival international de poésie de Trois-Rivières où il y a avait un très petit public (lui et moi!) et où tellement de bruit provenait de l’étage inférieur du restaurant que nous étions carrément allés nous asseoir à la table de poètes pour les entendre.

Référence:

Nepveu, Pierre. La dureté des matières et de l’eau. Éditions du Noroît, Montréal, 2015.

Autres choses:

http://www.litterature.org/recherche/ecrivains/nepveu-pierre-346/

http://lesmeconnus.net/la-durete-des-matieres-et-de-leau-de-pierre-nepveu-une-traversee-dans-lincertain/

http://www.ledevoir.com/culture/livres/448095/poesie-la-ou-tremblent-la-terre-et-les-eaux

Visite au Festival international de poésie de Trois-Rivières 2014

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Ce festival existe depuis maintenant trente ans et j’en avais entendu parler à maintes reprises, mais comme Trois-Rivières n’est pas à coté de chez moi (au moins une heure et demi de route), je n’avais jamais mis cette évènement sur ma liste de priorité. Par contre, avec mon intérêt toujours croissant pour la littérature et les événements littéraires, ainsi que la nature plutôt orale de la poésie, j’aime de plus en plus entendre les poètes déclamer leurs poèmes plutôt que de me contenter de les lire (à voix haute toutefois de temps en temps).

Le festival dure dix jours, englobant deux fins de semaine. J’ai choisi d’y aller pour la dernière journée, un dimanche, qui s’est avérée être une superbe journée ensoleillée où l’on se promenait dans les rues avec plaisir. Les évènements prennent place dans les restaurants et les cafés du vieux Trois-Rivières ainsi que dans certaines institutions publiques telles la Maison de la Culture.

Voir Visite au Festival international de poésie de TroisRivieres 2014 pour mes impressions du festival et quelques photos.

Martine Audet, Tête première, dos, contre dos

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Ce court recueil de poésie contient trois sections: Tête première, Dos, et Contre dos, tel que le dit le titre. Nous allons à la rencontre d’impressions fugaces.

Le premier ver, “Cheval! Es-tu un cheval?” me rappelle le malheureux Édouard, protagoniste du roman de Pierre Lemaître qui a gagné le Goncourt l’an dernier, qui se fait un masque en papier mâché en forme de tête de cheval. Probablement pas ce que l’auteur voulait évoquer ici. On s’en va vers le burlesque.

Quoique ce poème remplit de fracas et de douleur pourrait évoquer le tumulte du front, la désorientation d’un soldat dans le chaos du combat. On y parle de déchirure, d’armes, de sang qui gicle, de feu, de destruction, de mort. Peut-être est-ce voir le thème de façon trop littérale? On pourrait aussi y voir la quête de sens de l’individu dans un monde impitoyable et agressant.

J’ai particulièrement aimé Contre dos avec son refrain de verbes imprimés en gris pâle et reliés ente eux par des traits d’union, une sorte de basse continue d’actions en sourdine qui porte l’émotion du poème.

 

Audet, Martine. Tête première, dos, contre dos. Montréal, Éditions du Noroît, 2014.

Paul Chanel Malenfant, Toujours jamais

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Très bref commentaire : Éblouissant, ce livre de style mélangé. Des envolées lyriques, des personnages passionnés dans une atmosphère mythique. Je ne suis pas surprise que Le Devoir ait fait une comparaison avec Les Fous de Bassan d’Anne Hébert, je me suis souviens bien qu’elle avait évoqué des sentiments très semblables en moi.

Un flux de paroles incohérentes, de discours apocalyptiques, de prophéties de malheur de déplaçait en l’air : essaim d’abeilles effrayées, masse informe de langage. Magma de mots vides de sens. Un franc-maçon qui tenait des discours hystériques dans la salle des pas perdus de la gare de Rimouski avait hurlé, dans le désordre de gestes abracadabrants : Que le monde enfin moderne s’écroule comme un opéra!

Personne ne savait ce qu’il avait voulu dire. Chacun étant saisi de stupeur dolente. D’hébétude. De désolation.

 

http://www.ledevoir.com/culture/livres/399915/paul-chanel-malenfant-en-eaux-troubles

Soirée littéraire à la Librairie Paulines, avec Célyne Fortin et Julie Stanton (publiées aux Éditions Les heures bleues)

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La salle multifonctionnelle au sous-sol de la Librairie Paulines sur la rue Masson s’impose comme lieu sans pareil pour ces soirées littéraires si agréables qui nous permettent de découvrir non seulement les écrits des auteurs qu’on y met en valeur, mais aussi leur personnalité et leur voix propre. Il n’y a rien de tel que d’avoir entendu un poète lire de ses propres œuvres pour les lire ensuite différemment, habité par la voix même de leur créateur.

Julie Stanton a présenté son recueil Mémorial pour Geneviève et autres tombeaux écrit suite au décès de sa fille Geneviève, morte de la sclérose en plaque à 50 ans et qu’elle a accompagné tout au long de la maladie. Ce recueil décrit un voyage au pays des morts pour retrouver Geneviève, son esprit, sa force, son sourire. Julie Stanton a finit sa lecture des extraits qu’elle avait choisies la voix brisée par l’émotion et les larmes aux yeux. Tous dans la salle ont été touché par sa démarche et par sa capacité à partager son désarroi de mère face à la perte de son enfant. Ce voyage au pays des morts lui permet de transformer cette perte en une nouvelle rencontre, en une nouvelle présence de sa fille auprès d’elle.

Célyne Fortin offre une démarche différente dans Wabakin ou Quatre fenêtres sur la neige. Les textes et les dessins de ce recueil ont été créés entre 2008 et 2013, le plus souvent lors de voyage hivernal de Célyne Fortin dans sa ville natale de La Sarre en Abitibi (Wabakin est un nom donné à cet endroit par les autochtones). L’auteur a lu la troisième partie du recueil ou « troisième fenêtre » qui nous parler de la neige lors d’un printemps tardif en 2011, de la beauté de la neige, mais aussi de l’exaspération de l’auteur et de sa sœur fasse à cet envahissant phénomène qui semble ne par avoir de fin. Elle y décrit non seulement l’apparence de cette neige qui s’éternise mais aussi le comportement des flocons, de façon très visuelle et fréquemment humoristique. Célyne Fortin montre son origine d’artiste visuelle dans sa capacité à décrire les choses. On a décrit sa poésie comme une poésie du regard.

Le livre de Julie Stanton est illustré de photos prises à l’Île aux Grues par le mari de l’auteur. Le livre en devient donc plus un texte, mais un bel objet où se conjuguent la parole et l’art visuel. Célyne Fortin construit ses livres autour d’éléments visuels et textuels également, et dépendamment des œuvres, le point de départ peut être un type d’élément ou l’autre. Wabakin contient un élément visuel ludique et peut faire office de « flip book » pour regarder successivement 13 dessins d’un banc de neige évolution constante faits par l’auteur au printemps 2010 dans son cahier d’écriture. Ses dessins accompagnent l’extrait mentionné plus haut, la troisième fenêtre.

L’évènement a été animé de main de maître par Louise Dupré.

http://www.heuresbleues.com

Quote

Sur les rayons, les livres convoquent
ces mondes de papiers que tu caresses
du bout du doigt, de la main, — et ta vie
entière s’y enfouit.

Mers, montagnes, saisons
soufflent des histoires, bientôt l’invisible
cède sous le poids.

À peine entrée, n’effleures-tu déjà
que le secret d’une âme?

– Hélène Dorion, Ravir: les lieux

Joie de lire

Célyne Fortin et Paul Bélanger à la Librairie Paulines le 31 janvier 2013

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Jeudi dernier, je suis allée à la conférence des Jeudis littéraires à la Libraire Paulines. Nous avons eu droit à un événement très intéressant, combinant la réflexion sur le travail de poète et le travail d’éditeur de poésie. Célyne Fortin, co-fondatrice des Éditions du Noroît avec son mari René Bonenfant, ainsi que Paul Bélanger, président des Éditions du Noroît depuis 1991, se sont entretenu avec Louise Dupré.

Cet entretien a été enregistré et sera diffusé sur Radio Spirale sur le web.

Ils ont discuté de l’histoire de la maison d’édition, de plaisir qu’ils ont à faire un travail d’accompagnement des créateurs et le souci de continuité qui guident les choix qu’ils font.

Ils ont aussi discuté de la relation entre leurs activités de poètes et d’éditeurs. Paul Bélanger a parlé de mettre l’écriture en veilleuse dans son rôle d’éditeur, de se mettre en retrait, d’être à l’écoute de l’auteur et apprécier une écriture autre que la sienne, avec une esthétique différente. Il parle du processus d’accompagnement d’un auteur comme d’un dialogue à long terme, qui permet « la mise en crise du texte », en posant des questions qui permettent à l’auteur de cheminer et à l’œuvre de mûrir.

Ils ont aussi parlé de leur propre œuvre. Célyne Fortin décrit comment elle écrit au « je », une écriture pulsionnelle, sans retenue et sans pudeur, où la pensée passe par le cœur. Paul Bélanger dit garder une plus grande distance entre l’auteur et l’énonciateur du texte et avoir une approche plus cérébrale. Il dit aussi que tout auteur est l’auteur d’un seul livre, qu’il y a une continuité des obsessions qui se métamorphosent dans le temps.

Ont suivis des lectures de parutions récentes, avec rappels, au grand plaisir du public.

 

Références :

Bélanger, Paul. Replis, chambre de l’arpenteur. Éditions du Noroît, Montréal, QC, 2012.

Fortin, Célyne. Femme infrangible, poème (1982-2008). Éditions du Noroît, Montréal, QC, 2012. (choix et préface de Jean Chapdelaine Gagnon)

 

Voir l’article suivant sur les vingt ans de Célyne Fortin et René Bonenfant au Noroît :

http://www.erudit.org/revue/urces/1991/v/n33/025674ar.pdf

Et le site de la maison :

http://www.lenoroit.com

Hélène Dorion et Pierre Nepveu à la Libraire Paulines

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Le 29 novembre dernier, j’ai assisté à un entretien entre Pierre Nepveu et Hélène Dorion à la Librairie Paulines sur la rue Masson à Montréal. Ce que vous trouverez plus bas provient des notes prises ce soir-là et de moins en moins lisibles au fur et à mesure que le temps passe (et non, pas à cause d’une quelconque détérioration physique de l’objet qui a servi à prendre les notes).

À partir des questions de Pierre Nepveu, Hélène Dorion a abordé les thèmes suivants (pas nécessairement dans cet ordre et souvent en lien avec un livre spécifique que je n’ai pas noté) :

  • Pourquoi écrire? L’écriture pour apprendre à vivre, pour comprendre la vie, la complexité de l’être. C’est une démarche de recherche existentielle. La vie est une mise en mouvement et écrire met en mouvement le langage. La langue est vivante, elle n’est pas une structure figée, elle arrive à déplacer cette structure, à la faire bouger.
  • Qu’est qu’on veut atteindre? La transformation est le dénominateur commun, HD veut toujours être dans cette quête vers le sentiment d’union. Il n’y a pas de sentiment d’impuissance, tout est possible. Il ya un dialogue avec la vie. Elle s’accroche à ce mouvement plutôt que s’y opposer mais dans ce mouvement, la liberté est totale et permet la création. Elle dit « je dans avec quelque chose plutôt que de lutter contre ».
  • Pierre Nepveu remarque que le livre Le hublot des heures est singulier dans l’œuvre d’Hélène Dorion : elle utilise le vol en avion comme métaphore de l’écriture poétique. Quand on parle de voyage, on parle vraiment de voyage intérieur. Le reste est un prétexte. Elle présente un monde d’écrans, de faux, d’inauthentique; absurdité de l’errance; parle de l’aéroport comme un non-lieu, qui n’est pas marqué par une culture quelconque.
  • Par rapport à la question de dénonciation : La poésie est plus une entreprise de questionnement que de révolte ou dénonciation. Ce qui est dangereux, c’est l’indifférence, l’inconscience, l’ignorance. Écrire permet d’augmenter l’acuité de la conscience.
  • La notion de faille, de cassure figure pour beaucoup dans l’œuvre de HD. Elle fait le lien avec le célèbre vers de Leonard Cohen « there is a crack in everything ». La notion d’effritement, de ruine, présence de la faille, de la fissure, n’est pas négative mais est quelque chose de créateur. Il faut qu’il y ait une imperfection dans la matière pour qu’il y ait quelque chose de neuf. Cette faille est un récepteur de sens.
  • Certains de ses écrits parlent de rupture amoureuse, de perte de soi où la faille permet la transformation.
  • L’écriture n’est pas la transcription de l’expérience mais crée une autre expérience, c’est transformateur, porteur, créateur.

Suite à l’entretien, elle a lu une partie d’un poème de son nouveau livre, Cœurs, comme livre d’amour, mais pas complètement et pas comme écrit. Lorsqu’un des auditeurs lui demande pourquoi, elle dit que le poème est un partenaire de danse et que la lecture est une recomposition. Un poème est toujours inachevé, l’œuvre d’art arrête quelque chose mais pas son mouvement. Le texte a une autonomie, sa vie propre (c’est pourquoi il a besoin de lecteurs). Le texte peut encore lui apprendre ce qu’elle ignore.

 Références

 Dorion, Hélène, Cœurs, comme livres d’amour, Éditions de l’Hexagone, 2012.

Dorion, Hélène, Le hublot des heures, Éditions de la différence, 2008.