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Jocelyne Saucier, La vie comme une image

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En quatrième de couverture, on dit “La vie comme une image: une mère parfaite, une petite fille modèle, un père gentil, l’observance stricte des règles de bienséance. Rien, en apparence, pour donner matière à un roman. Et pourtant…” Et pourtant, en effet… une famille apparemment sans histoires, ou où on a habilement camouflé les histoires.

Il y a des choses sur lesquelles on n’écrit pas, ou si peu. Et lorsqu’on le fait, ça crée un malaise… Dans La vie comme une image, ça commence par cette première phrase: “Je ne peux remuer mes souvenirs d’enfance sans que ne vienne y flotter une odeur de menstruations.” La narratrice décrit ensuite en détails les descriptions que fait sa mère des diverses étapes de son cycle menstruel, ces descriptions se faisant souvent à l’heure des repas “entre la soupe et le dessert”. Elle dit de sa mère que “Elle allait être menstruée, elle était menstruée ou venait d’être menstruée: les règles de ma mère étaient au centre de notre vie familiale.”

Dans cette maisonnée centrée sur une mère sûrement dépressive, un père patient  et pas tellement présent qui finit par partir, la jeune fille grandit dans son univers partiellement imaginaire sans points de repère pour jauger l’anormalité de sa situation.

Lorsque les blessures de l’enfance la pousse au meurtre, c’est avec un détachement étonnant… Et le meurtre est parfait, on ne pourra jamais la lier à ce délit.

Le roman commence avec les odeurs de menstruation et finit avec les odeurs d’incontinence de la mère vieillissante. Décidément, on ne sort pas des odeurs. Ce qui est intéressant là-dedans, c’est que l’écriture si souvent repose sur la vision plutôt que sur l’odorat (sauf pour humer les roses) qu’on en reste surpris lorsqu’un roman nous propose une si grande attention aux odeurs. Certainement, le roman de Jocelyne Saucier ne peut rivaliser d’étrangeté avec Le Parfum de Süskind, mais la finesse de la description des relations interpersonnelles de cette famille hors du commun en fait une oeuvre tout à fait unique.

J’avais découvert Jocelyne Saucer avec Il pleuvait des oiseaux, que j’avais adoré (et donné à ma soeur tellement je voulais partager cette merveille) et j’ai poursuivit la découverte avec Les héritiers de la mine, une autre histoire familiale, mais cette fois-ci complètement déjantée. Il me reste Jeanne sur les routes à lire.

Références:

Saucier, Jocelyne. La vie comme une image. Collection “Romanichels”. Editions XYZ, Montréal, 1996.

Saucier, Jocelyne. Il pleuvait des oiseaux. Collection “Romanichels”. Editions XYZ, Montréal, 2011.

Saucier, Jocelyne. Jeanne sur les routes. Collection “Romanichels”. Editions XYZ, Montréal, 2006.

Saucier, Jocelyne. Les héritiers de la mine. Bibliothèque québécoise, Montréal, 2013 [1999].

Süskind, Patrick. Le parfum, histoire d’un meurtrier. Fayard, 1986 [1985].

Les héritiers de la mine, Jocelyne Saucier

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Mon introduction à Jocelyne Saucier a été son dernier roman, Il pleuvait des oiseaux, qui m’avait vraiment emballée. Lorsque j’en ai eu l’opportunité, j’ai acheté ses trois autres romans, dont Les héritiers de la mine. Étant donné que je travaille pour une compagnie minière, je m’intéresse tout ce qui touche le monde minier, les endroits bâtis autour de développements miniers et la vie des gens, comme dirait Jocelyne Saucier, « mordus de la roche ». Donc après la fièvre de l’or en Nouvelle-Zélande, nous voici à la recherche de divers minerais en Abitibi, région du Québec bien connu pour ses mines.

Ce roman nous présente la famille Cardinal avec ses vingt-et-un enfants, qui vivent dans la ville fictive de Norco. Norco, pour « Northern Consolidated », est la ville qui s’était construite pour contenir les travailleurs de l’entreprise qui exploitait un énorme gisement de zinc découvert par la père Cardinal, prospecteur minier plutôt malchanceux qui n’a su faire fortune malgré ses découvertes.

L’intrigue du roman repose sur la disparition d’Angèle Cardinal et les réactions variées des membres de la famille à cette disparition et ses conséquences. Chaque chapitre du livre est narré par l’un ou l’autre des frères et sœurs de la disparue, chacun détenant des indices sur ce qui est arrivé. Les descriptions de la vie de la famille Cardinal met au jour leur force de caractère mais aussi leur fragilité, ainsi que la complexité des relations entre les membres de cette si grande famille, relations d’amour et de loyauté, mais aussi de jalousie et d’envie.

L’auteur capture de façon vibrante l’énergie et l’imagination débordante des enfants, qui s’inventent un univers avec rien et qui tentent par tous les moyens de prendre possession du monde qui les entoure et de lui donner un sens.

Au bout du compte, le poids de la douleur de la disparition d’Angèle fera éclater cette grande famille et ces membres s’éparpilleront de par le monde, soit à Montréal, en Australie, en Tchétchénie, ou au Nunavik. Mais cet éloignement ne règle rien et ils devront se rassembler à nouveau pour élucider le mystère.

 

Référence :

Saucier, Jocelyne. Les héritiers de la mine. Bibliothèque québécoise, 2013 [1999]. Originalement publié par les Éditions XYZ.

Il pleuvait des oiseaux, de Jocelyne Saucier (And Birds Rained Down)

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Commentaire en français:

Un des meilleurs livres que j’ai lu cette année. On rencontre d’entrée de jeu la photographe, qui reste sans nom tout au long du livre. Elle est à la recherche de survivants des grands feux qui ont ravagé le nord de l’Ontario entre 1910 et 1920, en particulier de celui de Matheson en 1916. Elle cherche en particulier un dénommé Boychuck, qui est décédé juste avant son arrivée. Le fameux Boychuck, qui n’était qu’un jeune garçon au moment du grand feu de Matheson et qui y a perdu sa famille, vivait dans le fond des bois près de deux autres vieux bonhommes, Charlie et Tom, qui préfèrent vivre dans les bois loin de la civilisation. Après sa mort, il découvre dans sa cabane des centaines de tableaux, dont les couleurs prédominantes sont le gris, le noir et le brun, avec quelques taches de couleur.

Un autre personnage clé est Bruno, un homme d’une quarantaine d’année qui fait pousser de la marijuana dans le coin. Suite au décès de son père, il retrouve une vieille tante qui avait été internée toute sa vie. Elle est tellement malheureuse qu’il décide de l’arracher à son existence moche et l’amène dans le bois rejoindre Charlie et Tom. Là, elle semble se tranquilliser et mieux jouir de la vie. Elle est aussi une des clés du récit puisque c’est la seule personne qui peut interpréter les tableaux laissés par Boychuck.

D’autres personnages viennent se joindre à cette petite « famille » où chacun cherche sa place dans le monde, chacun à sa manière. :

Ceux qui cherchent la liberté, à tout prix

Ceux qui veulent commencer une nouvelle vie

Ceux qui cherchent et ont cherché l’amour

Et ceux qui l’ont trouvé, comme par surprise…

 

English Comment:

This is one of the best book I have read this year. It tells the story of a photographer who is searching for survivors of the great forest fires of the beginning of the 20th century in Ontario. She is looking in particular for a guy called Ted Boychuck… and he dies just before she gets to him. But what she finds goes beyond anything she could imagine and the lives that she touches also change her life. A fabulous story about finding freedom and meaning.

 

Références:

Saucier, Jocelyne, Il pleuvait des oiseaux, XYZ Éditeur, Montréal, 2011.

Available in English here: http://www.chbooks.com/catalogue/and-birds-rained-down

http://www.litterature.org/recherche/ecrivains/saucier-jocelyne-1134/

http://www.mnr.gov.on.ca/en/Business/AFFM/2ColumnSubPage/STEL02_165822.html

http://en.wikipedia.org/wiki/Matheson_Fire