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Jacques Boulerice, Dans ma voiturette d’enfant

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Ce nouveau livre de Jacques Boulerice est composé de textes publiés dans le journal Le Canada français entre 2013 et 2016 ainsi que de quelques inédits. Un note nous informe qu'”En plus des inédits ajoutés, le lecteur trouvera ces textes enrichis et vitaminés. L’auteur souhaite que les mêmes particularités s’appliquent aux passagers qui font le voyage avec lui.”

Et l’auteur nous amène dans un voyage, dans son quartier, dans sa ville natale, dans ses souvenirs. Il en excave des moments de bonheur et de plaisir. Mais on sent aussi poindre, à travers la plume du conteur, une certaine nostalgie, une certaine fragilité, un certain regret que les petits-enfants grandissent si vite. Même s’il trouve toujours le merveilleux dans la vie de tous les jours, peut-être commence-t-il à penser que les jours sont comptés…

Si vous voulez faire la connaissance du bouffon Pourry Golé et rencontrer Jacques, il sera au Salon du livre de Montréal dimanche après-midi. Allez lui serrer la pince, il répand tellement de bienveillance autour de lui, vous vous sentirez bien et repartirez avec le sourire.

Je suis allée au lancement du livre dans une petite libraire de quartier, la Librairie Fleury, en septembre dernier. Jacques trônait à une petite table ronde et sa voiturette d’enfant faisait partie du voyage, transportant des livres, le nouveau et quelques plus anciennes publications. J’en ai profité pour me procurer Reliquaire (1992) et Le vêtement de jade (2002), dont je vous parlerai un jour.

 

Références:

Boulerice, Jacques. Dans ma voiturette d’enfant. “Carnets”. Fides, Montréal, 2017.

Boulerice, Jacques. Le vêtement de jade. L’Hexagone, Montréal, 2002.

Boulerice, Jacques. Reliquaire: Fragments d’une histoire d’amour. L’Hexagone, Montréal, 1992.

Autre chose:

Jacques Boulerice, L’invention des fêtes

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En ce 15 juillet 2016, il est presque difficile de parler de bonheur et même d’avoir ne serait-ce qu’une once d’insouciance… Mais il existe encore des librairies pleines d’histoires pour nous emporter ailleurs et de poésie qui ré-enchante le monde. Alors même avec le coeur lourd, je vais vous parler d’un livre magnifique qui me fait penser malgré tout que le bonheur est un état d’esprit qui vient de l’intérieur et qu’il ne résulte pas d’une conjonction d’éléments extérieurs qui s’alignent miraculeusement d’eux-même. Que lorsque le poids de la douleur s’allègera un peu, que le choc des évènements commencera à se dissiper, nous pourrons recommencer à saisir le merveilleux qui nous entoure.

Lorsque j’ai acquis ma copie de L’invention des fêtes au Salon du livre de Montréal 2015, M. Boulerice l’a dédicacé de la façon suivante: “Pour que chaque jour ressemble au bonheur.” D’abord, la barre n’est pas trop haute puisqu’on parle de ressemblance et non de bonheur pur; au moins, il y a déjà ça. Mais pour que tous les jours ressemblent au bonheur, il faut bien une approche, une  prédisposition, une aptitude au bonheur—mais je ne parle pas de recette infaillible parce que je crois que chacun doit trouver sa voie.

L’invention des fêtes raconte l’histoire de deux êtres hors du commun, Félibre (autrefois nommé Felipé) et sa Fée, qui parcourent les méandres de la vie avec une attitude bien particulière. En voici un exemple:

Dans la ville nordique où vivaient Félibre et la Fée, l’hiver, les bornes-fontaines tenaient toutes un oeil au-dessus de leur tête, une sorte de judas dans une porte invisible. Pratiquement, cet appendice tendu comme une sucette au bout d’une tige avait pour fonction d’indiquer l’emplacement de chaque borne-fontaine aux chenillettes de déneigement et aux pompiers qui, en cas d’urgence, pourraient perdre un temps précieux à les chercher sous la neige. Ce n’était pas la principale fonction de l’objet. En réalité, ces cercles tenus dans l’air constituaient plutôt l’ultime attraction du dernier dresseur de bornes-fontaines. À l’apogée de son art, cet homme arrivait à leur faire exécuter un numéro ignoré des passants qui auraient pu profiter du prodige pour littéralement transfigurer leur vie. Après le passage du dresseur, chaque borne semblait toujours rappeler son existence grâce à ce petit cercle rouge au bout d’un bras de fer. C’était un leurre. En réalité, ce cercle pratiquait une véritable ouverture dans le bleu de l’air. On pouvait y passer la main, l’épaule, et, avec un peu de souplesse, tout le corps avec le coeur au centre.  C’est ce passage ou de semblables, selon l’usure des saisons, que les amoureux empruntaient depuis des lustres pour se retrouver en secret dans l’invention des fêtes.

Dans le mystère du lien entre l’auteur et son oeuvre, on peut se demander s’il s’agit d’une fable base sur la vie de l’auteur, le mettant en scène ainsi que sa propre Fée…  Il nous livrerait un testament sur le secret du bonheur, écrit en code, ou une biographie féérique, ou une autofiction merveilleuse. Il ne manque qu’une visite au Jardin des Merveilles (celui du Parc Lafontaine, dans le temps) une journée où les animaux décident de converser avec les visiteurs.

Ce petit livre se déguste petit à petit, court chapitre par court chapitre, afin de suivre Félibre et sa Fée dans le périple et d’en voir les parallèles dans le monde qui nous entoure, les traits de lumière du merveilleux à travers l’opacité souvent grise du réel.

 

Référence:

Boulerice, Jacques. L’invention des fêtes. Collection “Ostinato”. Éditions Le lézard amoureux, Montréal, 2015.

Autres choses:¸

http://www.ledevoir.com/culture/livres/449239/l-invention-des-fetes-jacques-boulerice

https://yvonpare.blogspot.ca/2016/04/la-vie-est-une-fete-pour-jacques.html

Jacques Boulerice, La mémoire des mots: Alice au pays de l’Alzheimer

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C’est une perle que ce livre de Jacques Boulerice où il parle de son expérience d’accompagner sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer durant une dizaine d’années. Le livre est riche en détails du quotidien, des échanges avec sa mère, de la texture des bons et des mauvais jours, des rencontres avec les professionnels de la santé. Il parle non seulement des évènements mais, plus important, de la riche expérience émotive que cette époque a été pour lui. Il y a le fils aimant d’une mère forte, qui se désole des difficultés. Il y a l’adulte occupé, aux prises avec ses propres difficultés dans la vie. Il y a l’homme amoureux qui apprécie le soutien d’une nouvelle compagne qui se rapproche de sa mère. Il y a le père qui se soucie du bien-être de ses fils et le grand-père qui se réjouit de l’arrivée d’une première petite-fille.

On vit à la lecture de ce livre les déchirements face à une réalité qui diffère tant des attentes, en contre-point aux petits et grands bonheurs qui peuplent encore les jours. On voit les hauts et les bas du cheminement de la mère, qui a des moments incroyables de lucidité, mais dont la détérioration de la mémoire à court terme mine l’autonomie. Elle en vient presqu’à être un danger pour elle-même et pour les autres.

L’auteur décrit l’amour qu’il ressent pour sa mère, les bons moments qu’ils ont ensemble, les fous rires, mais aussi l’exaspération, l’impatience qu’il peut éprouver devant les répétitions et les questions auxquelles il a déjà  répondu, le désarroi devant l’inexorable détérioration.

L’écriture ressemble à des notes d’anthropologue qui explore un cas en détail pour tenter d’y déceler des mécanismes cachés. C’est très bien réussi, probablement parce que l’auteur a pris des notes et a longtemps essayer de comprendre, avec beaucoup de perspicacité. Bien sûr, c’est un compte-rendu très subjectif et on ne peut être sûr de la justesse des observations et des interprétations, mais nous ne sommes pas dans la soi-disant objectivité des sciences sociales, mais dans la subjectivité du vécu d’un être humain en relation avec d’autres.

L’effort de compréhension de la différence entre la réalité et l’illusion (les tours que joue le cerveau de sa mère qui se détériore) amène aussi l’auteur à “problématiser” le réel, à ne  pas prendre pour acquit au premier niveau, à questionner sa propre interprétation première des faits qui se présente à lui pour arriver à en voir plusieurs facettes.

Un récit fascinant à lire pour toute personne qui est en contact avec des gens qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, des membres de la famille au personnel du réseau de la santé.

Référence:

Boulerice, Jacques. La mémoire des mots: Alice au pays de l’Alzheimer. Collection Biblio-Fides. Éditions Fides, 2008.

Jacques Boulerice et Madeleine Ghys, Un autre jour, récit de voyage sur des bancs publics

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Les bancs publics sont souvent le grand soulagement du voyageur, surtout s’ils sont à l’ombre, dans un oasis de fraîcheur, charmant répit du soleil estival. Parfois l’idée du banc public fait rager le voyageur, lorsque son absence semble une injure qui s’ajoute à ce mal de dos qui le tenaille cruellement.

Jacques Boulerice et Madeleine Ghys y ont trouvé une autre inspiration, un voyage virtuel poétique et pictural, cinquante-deux courts textes accompagnant cinquante-deux bancs qui, avant d’être un livre, ont été une espèce de jeu: “… cinquante-deux cartes postales comme autant d’étapes hebdomadaires qui jalonnent une année. Sur chaque image, un banc libre, accueillant. Le texte qui l’accompagne rapporte une anecdote, évoque un souvenir lumineux de la traversée des saisons. Pour la petite histoire, ces cartes ont d’abord été écrites à la main et postées chaque semaine, pendant douze mois, à des destinataires anonymes.”

Lors du Festival international de poésie de Trois-Rivières, Jacques Boulerice demandait aux gens présents aux séances de lectures auxquelles il participait de choisir une date. Il lisait le texte relié à la photo pour la date la plus rapprochée de celle donnée et décrivait brièvement le banc qui l’avait inspiré. Excellent moyen de créer une complicité avec l’auditoire!

Photos de Madeleine Ghys.

Référence

Boulerice, Jacques et Madeleine Ghys. Un autre jour: Récit de voyage sur des bancs publics. Les heures bleues, Saint-Lambert, PQ, 2015.

http://www.heuresbleues.com/#!un-autre-jour/cgvl