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Audur Ava Ólafsdóttir, L’embellie

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Le personnage principal, une jeune femme qui fait de la traduction et de la révision de texte en 11 langues, est considérée trop mutique par son mari, qui la quitte pour une collègue de travail, déjà enceinte de surcroît. Cet homme trouvait qu’elle communiquait très peu, était trop secrète, ne révélait rien sur son passé, surtout sur les neufs années passées à l’étranger avant leur rencontre.

Quoique le lecteur en sache peu aussi sur son passé, la narratrice au “je” nous mets au fait de tout ce qui se passe dans sa tête, de ses réactions spontanées jusqu’à ses réflexions les plus farfelues. Et la description en longueur de la préparation de l’oie tuée en pleine rue lorsqu’elle l’a frappée avec la voiture.

Ce livre traite avec beaucoup d’humour les aléas de la vie que rencontre l’auteur mais met aussi en scène la loyauté de la narratrice envers les personnes auxquelles elle est liée. Son amie Audur, enceinte de 6 mois, se tord la cheville devant chez elle en venant lui rendre visite. Une fois à l’hôpital, on lui découvre d’autres problèmes qui nécessitent une hospitalisation prolongée. Audur lui demande de s’occuper de son petit garçon de 4 ans, Tumi, sourd et malvoyant. Notre protagoniste ne peut dire non et se retrouve à partager sa vie avec cet étrange petit bonhomme, elle qui ne connait rien aux enfants.

De plus, parce que ce roman recèle d’événements, elle gagne le gros lot dans une loterie et un chalet dans un autre tirage. Elle fait installer ce chalet en bordure du village où vivaient jadis ses grands-parents. Le roman devient dès lors une grande aventure, départ vers l’est de l’Islande que la narratrice avant auparavant peu fréquenté sauf durant son enfance. Elle se passe la remarque qu’elle avait en fait peu quitté les confins de Reykjavik depuis son retour de l’étranger.

Jusqu’à ce point dans le livre, je me demandais qu’elle était vraiment la quête de la protagoniste. J’avais l’impression qu’elle se faisait balloter par les événements sans manifester de volonté. Peut-être que c’était pour ça que je déposais si facilement le livre et que j’ai mis tant de temps à en lire la première moitié. Par contre, la deuxième moitié a plus soutenue mon attention.

Ce retour aux sources semble la calmée. Elle entame le voyage de retour vers Reykjavik pour les fêtes de fin d’année dans la sérénité.

Le roman est suivi d’un addendum très humoristique contenant 47 recettes de cuisine (l’oie!) et une recette de tricot.

 

Référence:

Ólafsdóttir, Audur Ava. L’embellie. Zulma, 2012. (originalement publié en islandais en 2004)

Bergsveinn Birgisson, La lettre à Helga

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Ce roman est une longue lettre écrite en 1997 par Bjarni à Helga qui fut sa voisine une bonne partie de sa vie. Il écrit cette lettre après la mort de sa femme Unnur, stérile et sévère mais travaillante et fiable sur la ferme. Il désira Helga un temps et lui fit un enfant. Puis, un jour, il se rendit compte qu’il l’aimait.

Dans cette lettre, Bjarni vieillissant se met à nu et fait le bilan de sa vie. On apprend à la fin du livre qu’Helga ne recevra jamais cette lettre, mais qu’importe, Bjarni est en paix avec lui-même. Et nous en savons plus sur la complexité matérielle, culturelle, sociale et émotive d’un paysan islandais, à l’image des changements constants du rude climat de cette île encore un peu mystérieuse.

Ce que j’ai trouvé remarquable dans ce livre, c’est la variété de façon de parler de la mort ou de la fin de vie.

La vieillesse fait son oeuvre. Il y a, bien sûr, des moments où l’on regarde ses pantoufles en pensant qu’un jour elles seront encore là, tandis qu’on n’y sera plus pour les enfiler.

Bientôt, ma Belle, j’embarquerai pour le long voyage qui nous attend tous. Et c’est bien connu que l’on essaie d’alléger son fardeau avant de se mettre en route pour une telle expédition. Assurément, j’arrive après la soupe en t’écrivant cette lettre maintenant que nous sommes tous plus ou moins morts ou séniles, mais je m’en vais la griffonner quand même.

Bientôt s’éteindra la dernière flamme et ma bouche béante se remplira de terre brune.

C’est par un temps pareil, entre Noël et le jour de l’an, que la vieille Sigrídur de Hólmanes passa l’arme à gauche, et ce n’était certes pas la période la plus commode que la grande Faucheuse avait choisie pour faire son coup.

Tu vois, Helga, quel petit bonhomme je suis, maintenant que la coupe est vide et que la partie s’achève.

C’est à ce moment qu’elle est arrivée, la petite bergeronnette; elle s’est posée tout près, sur une motte herbue. Je lui ai demandé, comme grand-mère Kristín me l’avait appris, où je passerais l’année prochaine. La bergeronnette a hoché la queue mais ne s’est pas envolée et j’ai compris que le poseur de question n’en avait plus pour longtemps. Le rayon de soleil inondait la colline d’un tel flot de lumière que j’y ai vu le signe qu’un grand esprit me faisait, de l’autre côté de la vie.

Bien sûr, il est difficile de savoir quelles expressions sont dues plus à la traduction de l’islandais au français que de l’islandais original… mais j’ose penser que la traduction respecte l’esprit de l’original et les tournures de l’auteur.

Au deux-tiers du livre, il y a un passage absolument fascinant qui est une critique de la philosophie existentialiste qu’on met dans la bouche d’un vieux paysan. Au final, on dit que les vieux paysans avaient une grande intelligence et qu’ils pouvaient penser par eux-mêmes, sans intellos des villes pour venir leur dire comment penser.

Ce petit livre se lit presque d’une traite mais je recommande de le savourer, d’imaginer les paysages et le dur labeur de la terre, ainsi que les troupeaux de moutons dans la brume du matin et de réfléchir à ce qui nous différencie de ce peuple si lointain. Ou peut-être pas.

Référence:

Birgisson, Bergsveinn. La lettre à Helga. Zulma, 2013. (publication originale en islandais en 2010)

Autres choses:

http://www.lapresse.ca/arts/livres/critiques-de-livres/201310/09/01-4698114-la-lettre-a-helga-une-perle-.php

http://www.lexpress.fr/culture/livre/bergsveinn-birgisson-de-feu-et-de-glace_1280684.html

http://smallthings.fr/2013/11/28/lettre-helga-birgisson-critique/

http://www.lesheuresperdues.fr/la-lettre-a-helga-bergsveinn-birgisson/

Continuing Love Affair With Literature From Cold Countries: Sweden, Norway, Denmark, Finland and Iceland

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In 2012, I planned a trip to Stockholm. I had been reading Swedish police procedural and noir for some time and I had a lifelong fascination with Scandinavia, thanks to the Puck novels by “Lisbeth Werner”, a pseudonym for two Danish writers (who wrote novels for girls”).

In order to prepare for the trip, I came up with a reading list (see here). That was quite a lot of fun and very educational. I have continued reading a variety of authors from the region, expanding beyond Sweden.

The current to-be-read pile is quite impressive at this point, and I am hoping to get through some of it in 2017 (while most likely growing the pile in the meantime!).

Here we are in random order:

Aki Ollikainen. La faim blanche. (Finland)

Jonas Karlsson. La pièce. (Sweden)

Audur Ava Ólafsdóttir. L’embellie. (Iceland)

Carl-Johan Vallgren. Les aventures fantastique d’Hercule Barfuss. (Sweden).

Tarjei Vesaas. The Boat in the Evening. (Norway)

Tom Malmquist. À tout moment la vie. (Sweden)

Agneta Pleijel. Fungi. (Sweden)

Guđrún Eva Mínervudóttir. Album. (Iceland)

Tomas Espedal. Marcher (ou l’art de mener une vie déréglée et poétique). (Sweden)

Sara Lövestam. En route vers toi. (Sweden)

Audur Jónsdóttir. Tourner la page. (Iceland)

Eiríkur Örn Norđdahl. Illska. (Iceland)

Kim Leine. Les prophètes du fjord de l’Éternité. (Denmark)

Alexander Söderberg. The Andalucian Friend. (Sweden)

Lars Gustafsson. Bernard Foy’s Third Castling. (Sweden)

Kerstin Thorvall. Le sacrifice d’Hilma. (Sweden)

Anna Jörgensdotter. Discordance. (Sweden)

Per Olov Enquist. Le départ des musiciens. (Sweden)

Per Olov Enquist. Le second. (Sweden)

Per Olov Enquist. L’ange déchu. (Sweden)

Per Olov Enquist. La bibliothèque du capitaine Nemo. (Sweden)

Göran Tunström. La parole du désert. (Sweden)

Göran Tunström. L’oratorio de Noël. (Sweden)

Göran Tunström. Le voleur de bible. (Sweden)

Göran Tunström. De planète en planète. (Sweden)

Jón Kalman Stefánsson. Entre ciel et terre. (Iceland)

Jón Kalman Stefánsson. La tristesse des anges. (Iceland)

Jón Kalman Stefánsson. Le coeur de l’homme. (Iceland)

Jan Guillou. Les ingénieurs du bout du monde. (Sweden)

Kristina Ohlsson. The Disappeared. (Sweden)

Anne B. Ragde. La tour d’arsenic. (Norway)

Insane, you are thinking? Nothing like a list to make that quite obvious, I say. And the authors are still mostly from Sweden, which somewhat surprises me… It was hard to tell without making the list. That is 31 books, some of which are sizable tomes and/or challenging reads.

Please do let me know if you have any other suggestions for the future. I doubt the obsession will ever abate.

Jón Kalman Stefánsson, D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds

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De cette saga familiale sur trois générations, je retiens qu’on se débat pour vivre, survivre et donner un sens à sa vie, mais le bonheur ne survient-il pas quand on peut lâcher prise? En Islande, la vie est rude et le paysage peut être magnifique, mais n’est pas toujours hospitalier. La première génération dont on raconte l’histoire vit dans un village de pêcheurs dans un fjord isolé et la dernière, dans le temps présent, celui des vols commerciaux accessibles entre l’Europe et l’Islande, et des téléphones mobiles. De l’Islande vraie,  peut-être authentique, non adultérée par le contact ave le reste du monde, à une Islande de carte postale où en déplace des activités bien fonctionnels (le séchage du poisson) afin qu’elles ne se voient pas de la route que doivent emprunter les touristes en quittant l’aéroport.

L’auteur ne fait pas que nous raconter une saga familiale, mais laisse le soin à ses narrateurs de partager de longues réflexions sur ce qu’ils observent ou ce qu’ils vivent, incluant parfois des détails presqu’inconcevables (une fouille corporelle à l’aéroport!). Tout ça offre une fenêtre, dont le verre est par moment dépoli et imparfait, sur la culture et la mentalité islandaise, ainsi que sur des aspects universels de notre humanité.

La grand-mère Margrét, le personnage que j’ai trouvé le plus attachant dans ce roman, semble souffrir de troubles bipolaires, passant de la plus noire dépression à des débordements de joie, des ténèbres à la lumière. Ses troubles de l’humeur sont décrits dans une section intitulée “Bref exposé écrit sur les ténèbres et la lumière”.

C’est une douleur d’être médiocre, et pire encore d’en avoir conscience, de le ressentir au plus profond de soi, ce genre de certitude vous pénètre et menace vos organes, elle s’en prend surtout au coeur et à ses échanges avec le cerveau. Et Margrét peine à supporter bien des choses.

[…] Deux ou trois fois par an, ces ténèbres envahissent ses veines si radicalement que tout devient difficile […]

[…] ces ténèbres l’envahissent, colorent l’ensemble de ses organes, s’immiscent dans chacune de ses pensées et jusque dans ses souvenirs; tout devient noir. C’est à peine si elle peut se lever, elle passe deux ou trois jours au lit, allongée sur le dos, le regard vide, totalement immobile, comme si elle dormait, comme si elle était morte, elle ne répond presque rien et parfois rien du tout […] Ces périodes s’achèvent bien souvent d’une manière abrupte, si abrupte qu’on pourrait croire qu’on l’a arrachée à l’emprise de la mort pour lui offrir le cadeau de la vie, de la vie magnifique. Ses veines se gorgent brusquement de soleil et de rires, de chants d’oiseaux et d’une joie communicative qui l’empêche de tenir en place, il faut absolument qu’elle bouge, qu’elle célèbre la vie, et qu’elle danse!

Durant un de ces épisodes, elle sort de la maison en robe de chambre et embrasse un homme qui passe. Son mari en entend parler et est furieux. Margrét est déçue que son mari ne puisse comprendre le besoin impérieux de vivre qui s’est emparé d’elle à ce moment. Il est si souvent absent, parti en mer avec son équipage, et partage si peu la vie de sa femme et de sa famille… Il semble plus à l’aise parmi les hommes qui l’accompagnent en mer et est sur terre presqu’un poisson hors de son bocal, mais il aurait bien besoin de pieds pour arpenter ce monde.

C’est un livre qui se lit lentement, au creux d’une chaise confortable, peut-être durant un soir d’hiver quand le vent siffle dans les branches dénudées, un temps qui porte à la mélancolie et à la réflexion. Pas vraiment un livre pour la plage.

Première phrase:

Le soleil lui-même eût été impuissant à l’éviter, tout autant d’ailleurs que les mots sublimes tels amour ou arc-en-ciel, devenus désormais parfaitement inutiles, et qu’on pouvait sans dommage mettre au rebus – tout cela avait commencé par une mort.

Dernière phrase:

Et Keflavik a si radicalement disparu derrière les flocons qu’on dirait que jamais cet endroit noirâtre n’a vraiment existé.

 

Référence:

Stefanson, Jon Kalman. D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds. Gallimard, 2015. (publication originale en islandais en 2013)

Autres choses:

http://next.liberation.fr/livres/2015/11/20/les-ecrivains-diables-mineurs-rencontre-avec-jon-kalman-stefansson_1415051

https://www.youtube.com/watch?v=_qekXKQUeGc

https://www.youtube.com/watch?v=27fCuCMu6YE (Celui-ci est en islandais, mais les images en valent la peine)

À lire du même auteur:

https://litteraemeae.wordpress.com/2014/06/27/linfinie-poesie-dune-trilogie-islandaise/

Arnaldur Indridason, The Draining Lake, another mystery resolved by Inspector Erlendur

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The Draining Lake, or L’homme du lac in French, in another triller by Icelandic author Arnaldur Indridason. This is the third book by this author that I have read. The action is usually slow as the author seems to want to create an atmosphere that is somewhat oppressive like I imagine Icelandic winters to be…

Lake Kleifarvatn, near Reykjavik, is slowly draining. The receding waters reveal the presence of an old skeleton. Who was the man? How did he end up there? The story takes us back to the experience of Icelandic students attending university in Leipzig during the Cold War and their impressions of living in post-war East Germany, the tension between socialist idealism and the realities of daily life in a shortage-ridden planned economy dominated by the fear of surveillance by the political police. At the same time we share the daily life of Inspector Erlendur, his difficulties relating to his estranged children, his mixed feelings towards well-meaning colleagues who try to include him in their lives, his slow moving relationship with a married biologist.

Some readers on amazon.com have found it dull and slow. I prefer to think that it has a rhythm of its own. Not all books need to be fast-paced. I’ll keep reading Indridason, and I might make it to Iceland one day.

http://www.amazon.com/The-Draining-Lake-Thriller-Reykjavik/dp/0312428588/ref=la_B001ILIBV0_1_4?ie=UTF8&qid=1344264391&sr=1-4

http://www.amazon.ca/Homme-du-lac-Arnaldur-Indridason/dp/2757812874/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1344264447&sr=8-4

About Lake Kleifarvatn:

http://en.wikipedia.org/wiki/Kleifarvatn

http://news.nationalgeographic.com/news/2001/10/1001_lostlake.html